BIOSÉCURITÉ

La biosécurité est l'une des principales réponses aux récentes crises sanitaires mondiales. Elle peut conduire à ignorer l'interrogation sur les causes d'émergence des maladies infectieuses.

Définition et origine

Pour la Food and Agriculture Organisation (FAO), la biosécurité est « une approche stratégique et intégrée visant à analyser et gérer les risques pesant sur la vie et la santé des personnes, des animaux et des plantes et les risques connexes pour l’environnement ». Elle comprend l'ensemble des mesures préventives ayant pour but de détecter les risques d’émergence de maladies infectieuses, par des programmes de surveillance de la faune sauvage et de veille sanitaire.

Historiquement, la biosécurité est liée à la doctrine sécuritaire des États-Unis de la preparedness, née pendant la seconde guerre mondiale, et développée pendant la Guerre froide, qui désigne le dispositif mis en place par l’État pour se préparer à faire face à des catastrophes, qu’elles soient d’origine naturelle, comme un cyclone, ou militaire, comme une attaque nucléaire. Après l’effondrement de l’URSS (1993) et les attentats terroristes de Al Qaeda (2001), cette doctrine associe dans une même stratégie de sécurité nationale des actes humains intentionnels comme le bioterrorisme, et l’émergence de virus comme Ébola ou le HIV.

La biosécurité en question

Lancé en 2009 aux États-Unis, le programme PREDICT est un outil emblématique de la biosécurité. Il vise à contrôler la faune sauvage, en identifiant les agents infectieux, dont les animaux peuvent être les réservoirs. En dix ans, ses « chasseurs de virus » ont collecté 140 000 prélèvements biologiques sur 10 000 chauves-souris et 2000 autres animaux, qui ont permis d’identifier 1200 virus, dont 160 coronavirus. Certains scientifiques estiment que cette approche, est coûteuse , et peu efficace, car elle ignore les causes écologiques qui favorisent l’émergence des virus. De plus, la biosécurité promeut les grands élevages intensifs, au détriment des petits élevages, considérés comme moins sûrs d’un point de vue sanitaire, ce qui contribue à une réduction de la diversité génétique animale et a des effets néfastes sur la santé des animaux et des écosystèmes.

La conférence de Washington

En mai 1989, s’est tenue à Washington la conférence sur les « virus émergents » qui a réuni 200 participants, principalement des scientifiques (virologues, infectiologues, biologistes ou écologues) et des représentants des organismes de santé des États-Unis. Présidée par Stephen Morse, cette conférence a conclu que le principal facteur d’émergence de maladies infectieuses était la destruction des habitats naturels, due au développement de l’agriculture ou à l’exploitation minière et forestière. Cette vision écologique très innovante qui, pour la première fois, établissait un lien entre les activités humaines et le risque sanitaire, a fait long feu. Elle a été abandonnée au profit de la doctrine sécuritaire de la preparedness, qui ne s’intéresse pas aux causes des émergences, mais exclusivement aux agents ( virus ou bactéries) qu’il faut identifier et contrôler.

Chiffres-clés

  • 1 700 000 : c’est le nombre de virus inconnus que les mammifères et oiseaux hébergeraient.
  • 200 millions de dollars : c’est ce qu’a coûté le programme PREDICT de 2009 à 2019.

Références

  • Marie-Monique Robin, La Fabrique des pandémies, chapitre 1, pp. 49-63, 2021
  • Patrick Zylberman, Tempêtes microbiennes. Essai sur la politique de sécurité sanitaire dans le monde transatlantique, 2013
  • Michael Osterholm, "Preparing for the next pandemic", Foreign Affairs, 2005
  • Lorna Weir et Eric Mykhalovskiy, Global Public Health Vigilance: Creating a World on Alert, 2010